1e histoire. Dossier documentaire : de la Révolution à l'abolition de l'esclavage (1791-1794).

 

Gravure allégorique de 1794 intitulée «Moi libre».

Dossier documentaire : de la Révolution à l'abolition de l'esclavage (1791-1794).

Repères chronologiques 

• 1789 Début de la Révolution en France (4 août abolition des privilèges, 26 août Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).
• 1790-91 Guerre civile à Saint-Domingue : colons blancs contre le gouverneur, puis blancs contre libres de couleur.
• 22-23 août 1791 Soulèvement des esclaves dans la Plaine du Nord : plantations brûlées, guerre civile généralisée.
• 1792-94 Accélération révolutionnaire en France (20 avril la guerre, 10 août chute du roi), République des sans-culottes et Terreur.
• 1793 Extension de la guerre aux Caraïbes avec l’Angleterre et l’Espagne.
• 29 août 1793 Liberté générale à Saint-Domingue décrétée par Sonthonax, Commissaire Civil de la République.
• 4 février 1794/16 pluviôse an II La Convention vote l’abolition de l’esclavage dans les colonies. 

Documents

Document 1 : Moi libre aussi [estampe de 1794].
Graveur Louis Darcis Dessinateur Louis-Simon Boizot.


Document 2 : Lettre écrite par les chefs des esclaves lors du soulèvement de la plaine du Nord (extraits)
Messieurs, ceux qui ont l’honneur de vous présenter ces mémoires est une classe d’hommes que vous avez jusqu’à présent méconnus pour vos semblables : ce sont ceux que vous appelez vos esclaves et qui réclament les droits auxquels tout homme peut prétendre. […] Nous sommes donc vos égaux en droit naturel, et si la nature se plait à diversifier les couleurs dans l’espèce humaine il n’est pas crime d’être noir ni un avantage d’être blanc. 
S’il y a quelques années qu’existaient des abus dans la colonie, c’était avant qu’une heureuse révolution qui a eu lieu dans la Mère Patrie [la France] et qui nous a frayé le chemin, et que notre courage et nos travaux sauront nous faire gravir pour arriver au temple de la Liberté comme ces braves Français qui sont nos modèles, et que tout l’univers contemple. Trop longtemps nous avons porté nos chaînes sans penser à les secouer. 
Vous, Messieurs qui prétendez nous assujettir à l’esclavage, avez-vous oublié que vous avez formellement juré la Déclaration Des droits de l’Homme qui dit que les hommes naissent libres et égaux en droits et que les droits naturels sont la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression ? […]
Voilà Messieurs la demande des hommes qui sont vos semblables et voilà leur dernière résolution : ils sont résolus de vivre libres ou de mourir.
« Lettre des chefs nègres révoltés Jean-François, Biassou et Belair adressée “à l’assemblée générale, aux commissaires nationaux et aux citoyens de la partie française de Saint-Domingue” datée juillet 1792 » publiée à Paris dans Le Créole Patriote du 9 février an II (9 février 1793). 

Document 3 : Décret sur l’émancipation des esclaves à Saint-Domingue (extraits)
Proclamation au nom de la République.
Nous Léger-Félicité Sonthonax, Commissaire Civil de la République, délégué aux Îles Françaises de l’Amérique sous le vent, pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique.
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit : Voilà, citoyens, l’évangile de la France ; il est plus que temps qu’il soit proclamé dans tous les départements de la République.
[…] A notre arrivée, nous trouvâmes les blancs qui ne s’accordaient qu’en un seul point, celui de perpétuer à jamais la servitude [l’esclavage]  nègres, et de proscrire également tout système de liberté et même d’amélioration de leur sort. Saint-Domingue était encore au pouvoir d’une horde de tyrans féroces qui prêchaient publiquement que la couleur de la peau devait être le signe de la puissance ou de la réprobation.
Aujourd’hui les circonstances sont bien changées ; les négriers et les anthropophages ne sont plus. Les uns ont péri victimes de leur rage impuissante, les autres ont cherché leur salut dans la fuite et l’émigration [ils sont partis faire la guerre dans le camp des Anglais]. Ce qui reste des blancs est ami de la loi et des principes français. 
La République Française veut la liberté et l’égalité entre tous les hommes, sans distinction de couleur ; les rois ne se plaisent qu’au milieu des esclaves : ce sont eux qui, sur les côtes d’Afrique vous ont vendus aux blancs ; ce sont les tyrans d’Europe qui voudraient perpétuer cet infâme trafic. La République vous adopte au nombre de ses enfants 
Au Cap, le 29 août 1793, l’an deux de la République Française.

Document 4 : L’abolition de l’esclavage par la Convention Nationale, Paris, séances des 15 et 16 pluviôse an II (3 et 4 février 1794)
[…] Un des trois députés nouvellement arrivés de Saint-Domingue fait un rapport sommaire sur les évènements qui y ont eu lieu. Il remonte à la cause des malheurs auxquels elle a été en proie : il la voit dans la politique odieuse et les intrigues de l’Angleterre et de l’Espagne, qui, voulant faire perdre à la République cette colonie intéressante, avaient trouvé moyen d’y organiser la guerre civile. Mais les nègres armés pour la cause de la France ont dénoué par leur courage ces perfides projets, et ont demandé, pour prix de leurs services, la liberté, qui leur a été accordée. L’orateur conjure la Convention de confirmer cette promesse et de faire jouir pleinement les colonies des bienfaits de la Liberté et de l’Egalité. 
Levasseur : Je demande que la Convention, ne cédant pas à un mouvement d’enthousiasme, mais aux principes de la justice, fidèle à la Déclaration des Droits de l’Homme, décrète dès ce moment que l’esclavage est aboli sur tout le territoire de la République. Saint-Domingue fait partie de ce territoire, et cependant nous avons des esclaves à Saint-Domingue. Je demande donc que tous les hommes soient libres, sans distinction de couleur. 
Lacroix : […] En faisant cet acte de justice, vous donnez un grand exemple aux hommes de couleur esclaves dans les colonies anglaises et espagnoles. Les hommes de couleur ont, comme nous, voulu briser leurs fers ; nous avons brisé les nôtres, nous n’avons voulu nous soumettre au joug d’aucun maître ; accordons- leur le même bienfait. 
L’assemblée entière se lève par acclamation. 
Le président prononce l’abolition de l’esclavage, au milieu des applaudissements et des cris mille fois répétés de vive la République ! vive la Convention ! vive la Montagne ! Les deux députés de couleur sont à la tribune, ils s’embrassent. (On applaudit). 
Répondre aux questions sans les recopier.
1) Présenter les documents : nature, le ou les auteurs, date et lieu de rédaction, contexte.
2) Sur quels arguments légaux s'appuient les auteurs des 3 textes pour justifier la fin de l'esclavage et la liberté générale ?
3) On peut aussi envisager l'abolition de l'esclavage comme une réponse aux événements coloniaux et internationaux : expliquez le contexte dans la colonie et celui avec les anglais en vous appuyant sur des citations extraites des documents. 
4) Synthèse : écrire dans les bonnes cases de l’organigramme : 
• Révolte des esclaves • Système esclavagiste • Alliance entre les esclaves et la Révolution française • Guerre civile Blancs contre libres de couleur • Guerre internationale • Révolution française : Liberté, Egalité.


Chanson La Liberté des nègres du citoyen Piis, composée par François Devienne en 1794. Interprété par le Sextuor de la Cité

En l'absence de radio, de télé, de disque ou d'internet, les médias majeurs sont le théâtre, l'opéra et encore davantage les chansons qui circulent sous forme de partitions vendues à la feuilles et chantées aux coins des rues.

Poursuivre en podcast

Emission Le cours de l'histoire : "Ce jour-là, l’esclavage est aboli"

La liberté des colonies, gravure, 1791, BNF, Paris.
Le débat de 1791 sur les « hommes de couleur » a suscité une ample production en faveur de l’égalité et de la « liberté des colonies » (c’est ainsi qu’il faut lire la légende de cette gravure populaire sur le thème de l’accession des Noirs au bénéfice des Droits de l’Homme).

Documents en versions longues

Lettre écrite par les chefs des esclaves lors du soulèvement de la plaine du Nord (extraits)

Messieurs, ceux qui ont l’honneur de vous présenter ces mémoires est une classe d’hommes que vous avez jusqu’à présent méconnus pour vos semblables : ce sont ceux que vous appelez vos esclaves et qui réclament les droits auxquels tout homme peut prétendre. Trop longtemps Messieurs nous avons été les victimes de votre cupidité et de votre avarice [les deux mots veulent le goût du profit]. Sous vos coups de fouet barbares, nous accumulions les trésors dont vous jouissiez dans cette colonie.

Nous sommes noirs, il est vrai. Mais dites nous, Messieurs vous qui êtes si judicieux, quelle est cette loi qui dit que l’hommes noir doit appartenir et être une propriété de l’homme blanc ? Nous sommes donc vos égaux en droit naturel, et si la nature se plait à diversifier les couleurs dans l’espèce humaine il n’est pas crime d’être noir ni un avantage d’être blanc. 

S’il y a quelques années qu’existaient des abus dans la colonie, c’était avant qu’une heureuse révolution qui a eu lieu dans la Mère Patrie [la France] et qui nous a frayé le chemin, et que notre courage et nos travaux sauront nous faire gravir pour arriver au temple de la Liberté comme ces braves Français qui sont nos modèles, et que tout l’univers contemple. Trop longtemps nous avons porté nos chaînes sans penser à les secouer. 

Vous, Messieurs qui prétendez nous assujettir à l’esclavage, avez vous oublié que vous avez formellement juré la Déclaration Des droits de l’Homme qui dit que les hommes naissent libres et égaux en droits et que les droits naturels sont la liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression ? Par vos décrets  vous reconnaissez que tout homme est libre, et vous voulez maintenir la servitude [l'esclavage] pour 480 000 individus qui vous font jouir de tout ce que vous possédez ? Nous vous présentons la demande de liberté générale pour tous les hommes détenus dans l’esclavage.

Voilà Messieurs la demande des hommes qui sont vos semblables et voilà leur dernière résolution : ils sont résolus de vivre libres ou de mourir.

Nous avons l’honneur d’être Messieurs, vos très-humble et obéissant serviteur, Signés, Biassou, Jean-François et Belair.

« Lettre des chefs nègres révoltés Jean-François, Biassou et Belair adressée “à l’assemblée générale, aux commissaires nationaux et aux citoyens de la partie française de Saint-Domingue” datée juillet 1792 » publiée à Paris dans Le Créole Patriote du 9 février an II (9 février 1793). 

Décret sur l’émancipation des esclaves à Saint-Domingue (extraits)

Proclamation au nom de la République.
Nous Léger-Félicité Sonthonax, Commissaire Civil de la République, délégué aux Îles Françaises de l’Amérique sous le vent, pour y rétablir l’ordre et la tranquillité publique.
Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit : Voilà, citoyens, l’évangile de la France ; il est plus que temps qu’il soit proclamé dans tous les départements de la République.
[…] A notre arrivée, nous trouvâmes les blancs qui ne s’accordaient qu’en un seul point, celui de perpétuer à jamais la servitude des nègres, et de proscrire également tout système de liberté et même d’amélioration de leur sort. Saint-Domingue était encore au pouvoir d’une horde de tyrans féroces qui prêchaient publiquement que la couleur de la peau devait être le signe de la puissance ou de la réprobation.
Aujourd’hui les circonstances sont bien changées ; les négriers et les anthropophages ne sont plus. Les uns ont péri victimes de leur rage impuissante, les autres ont cherché leur salut dans la fuite et l’émigration [ils sont partis faire la guerre dans le camp des Anglais]. Ce qui reste des blancs est ami de la loi et des principes français. 
La République Française veut la liberté et l’égalité entre tous les hommes, sans distinction de couleur ; les rois ne se plaisent qu’au milieu des esclaves : ce sont eux qui, sur les côtes d’Afrique vous ont vendus aux blancs ; ce sont les tyrans d’Europe qui voudraient perpétuer cet infâme trafic. La République vous adopte au nombre de ses enfants 
Au Cap, le 29 août 1793, l’an deux de la République Française.

L’abolition de l’esclavage par la Convention Nationale, Paris, séances des 15 et 16 pluviôse an II (3 et 4 février 1794)

Séance du 15 pluviôse 
[…] Un des trois députés nouvellement arrivés de Saint-Domingue fait un rapport sommaire sur les  évènements qui y ont eu lieu. Il remonte à la cause des malheurs auxquels elle a été en proie : il la voit  dans la politique odieuse et les intrigues de l’Angleterre et de l’Espagne, qui,  voulant faire perdre à la  République cette colonie intéressante, avaient trouvé moyen d’y organiser la guerre civile. Mais les  nègres armés pour la cause de la France ont dénoué par leur courage ces perfides projets, et ont  demandé, pour prix de leurs services, la liberté, qui leur a été accordée. L’orateur conjure la Convention de confirmer cette promesse et de faire jouir pleinement les  colonies des bienfaits de la Liberté et de l’Egalité. 
Levasseur : Je demande que la Convention, ne cédant pas à un mouvement  d’enthousiasme, mais aux principes de la justice, fidèle à la Déclaration des Droits de l’Homme, décrète dès ce moment que l’esclavage est aboli sur tout le territoire de la République. Saint-Domingue fait partie de ce territoire, et cependant nous avons des esclaves à Saint-Domingue. Je demande donc que tous les hommes soient libres, sans distinction de couleur. 
Lacroix : […] En faisant cet acte de justice, vous donnez un grand exemple aux hommes de couleur esclaves dans les colonies anglaises et espagnoles. Les hommes de couleur ont, comme nous, voulu briser leurs fers ; nous avons brisé les nôtres, nous n’avons voulu nous soumettre au joug d’aucun maître ; accordons- leur le même bienfait. 
L’assemblée entière se lève par acclamation. 
Le président prononce l’abolition de l’esclavage, au milieu des applaudissements et des cris mille fois répétés de vive la République ! vive la Convention ! vive la Montagne  ! Les deux députés de couleur sont à la tribune, ils  s’embrassent. (On applaudit). 
Danton : Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avons décrété la Liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la Liberté universelle. 
Il s’élève quelques débats relatifs à la rédaction du décret. Lacroix en propose une qui est adoptée en ces termes : 
« La Convention nationale déclare aboli l’esclavage des nègres dans toutes les colonies ; en conséquence, elle décrète que tous les hommes, sans distinction de couleur, domiciliés dans les colonies, sont citoyens français, et jouiront de tous les droits assurés par la constitution. Renvoie au comité de salut public pour lui faire incessamment un rapport sur les mesures à prendre pour l’exécution du présent décret » 


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